Djeneba Mariko Diop

Dialogues d’activisme avec Djeneba Mariko Diop, juriste et Présidente de l'Association pour la Protection et la Promotion des Droits de la Femme et de l'Enfant (APRODEFE), féministe.

Depuis plusieurs années, Djeneba Mariko Diop, Présidente de l'Association pour la Protection et la Promotion des Droits de la Femme et de l'Enfant (APRODEFE), se bat pour la défense des plus vulnérables, contre l'exploitation des enfants, notamment celle des filles travaillant comme domestiques, tant sur les sites d'orpaillage qu'en milieu urbain et rural.

En juin 2011, le gouvernement du Mali a adopté un plan d'action national pour l'élimination du travail des enfants et cela constitue une étape importante pour le changement, mais sa mise en œuvre a été retardée et peu d'actions concrètes ont été prises.

En vertu de la législation malienne sur le travail, les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise, même en tant qu'apprentis, avant l'âge de quatorze ans, sauf dérogation écrite délivrée par décret du ministre du Travail, compte tenu des circonstances et des tâches locales.

À quelques exceptions près, une loi sur la protection de l'enfance fixe l'âge minimum d'admission au travail à 15 ans. Toutefois, elle autorise les enfants âgés de 12 à 14 ans à effectuer des travaux domestiques ou saisonniers légers et limite leur nombre d'heures de travail: ainsi, il est interdit à un enfant de travailler plus de huit heures par jour et les filles âgées de 6 à 18 ans ne peuvent travailler plus de six heures. Toutefois, la loi ne respecte pas les normes internationales minimales relatives à l'interdiction du travail forcé, de l'utilisation d'enfants dans des activités illégales et du recrutement militaire par des groupes armés non étatiques.

En ce sens, les mines artisanales ne sont pas soumises à des inspections régulières du travail et l'interdiction du travail des enfants n'est pas appliquée.  Selon le droit malien et international, les travaux dangereux, qui incluent le travail dans les mines et avec le mercure, sont interdits aux personnes de moins de 18 ans. Néanmoins, selon le HCR, environ 20 000 enfants travaillent actuellement dans huit sites miniers du pays. Dans les mines d'or artisanales, selon la Confédération syndicale internationale, les enfants travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et au contact du mercure, une substance toxique utilisée pour séparer l'or du minerai.

Les filles sont employées encore plus tôt que les garçons dans ce secteur et avec une charge de travail plus importante. De plus, plus que les garçons, elles sont victimes de violences, sous-payées ou non.

Madame Diop Djeneba Mariko se bat pour protéger les filles et les jeunes femmes, leur faire prendre conscience de leurs droits et les soutenir dans leur processus d'autonomie.

Au Mali et dans cinq autres pays de la région (Sénégal, Guinée, Guinée Bissau, Gambie, Niger), l'Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS) finance le Projet d'appui à la protection des enfants victimes de violations des droits de l'homme (PAPEV), un programme régional mis en œuvre par le HCDH (Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme). Ses objectifs sont notamment de soutenir les États membres de la CEDEAO dans l'élaboration de politiques et programmes nationaux visant à protéger les enfants victimes d'abus et d'exploitation et d'accompagner la CEDEAO dans l'élaboration d'une stratégie de promotion et de protection des droits de l'enfant, conformément aux Objectifs de développement durable (ODD) et aux conventions internationales en la matière (CDE, CADBE et CEDAW). Le PAPEV mène des activités pour soutenir l'adoption d'instruments juridiques régionaux et internationaux pour la protection de l'enfant, des activités de plaidoyer pour accompagner les réformes juridiques et la mise en œuvre de campagnes de communication nationales pour sensibiliser aux réformes législatives en cours.

Djeneba Diop, juriste de profession, a consacré sa vie à la défense des plus vulnérables. Immédiatement après avoir obtenu son diplôme en droit, elle a été secrétaire exécutive de l'association de défense des droits des enfants malentendants dans les écoles, puis a créé APRODEFE, l'association dont elle est la présidente.

Ce choix lui a posé de nombreux obstacles dans une société conservatrice comme celle du Mali, où il existe de nombreux stéréotypes sur les militants, qui sont souvent accusés d'aller à l'encontre de la tradition et de la culture.

Au Mali, le rôle des femmes est également souvent confiné à la sphère domestique et aux soins : lorsqu'une femme souhaite jouer un rôle politique actif dans la gestion de la communauté, elle est fortement critiquée. Il est donc nécessaire d'éradiquer les stéréotypes, les mythes et les préjugés, comme Djeneba Diop tente de le faire au quotidien, en racontant, par exemple, le rôle actif des femmes dans le processus de réconciliation et de paix qui se déroule au Mali depuis 2012. La juriste est le point de référence de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) du district de Bamako, dans les régions de Kayes et Koulikoro, qui a un mandat en matière de droits de l'homme depuis 1960.

Le Ministère malien de la Promotion de la Femme, de la Famille et de la Protection de l'Enfant à travers le Comité National de Suivi des Actions de Lutte contre la Traite, l'Exploitation et le Travail des Enfants (CNS), le Ministère de la Justice à travers les différents tribunaux, le Ministère de la Sécurité à travers la Brigade de Protection des Mœurs et de l'Enfance de la Police Nationale, l'Institut National de Sécurité Sociale à travers son service de santé et le Ministère du Travail et de la Fonction Publique à travers l'Inspection du Travail ont une responsabilité partagée dans l'application des lois sur le travail des enfants. Toutefois, les mécanismes de coordination inter-institutionnelle restent inefficaces et complexes, et les ressources, les inspections et les actions correctives demeurent insuffisantes. La crise politique déclenchée par le coup d'État d'août 2020, suivi de la nomination d'un gouvernement qui a été dissous à nouveau après l'éviction du président par les militaires en mai 2021, a exacerbé et compliqué la situation. Parallèlement à la crise gouvernementale, la même période est marquée par la pandémie de Covid-19.

L'exemple de Djeneba Mariko Diop montre que le changement doit pouvoir partir de la base, dès les autorités locales, traditionnelles et religieuses et ne pas être imposé d'en haut. En soutenant l'autonomisation des filles et les OSC locales, un impact plus important pourrait être obtenu pour une promotion réellement efficace et efficiente de l'égalité des sexes et de la défense des droits de l'homme.

Par Claudia Berlendis
Coordinatrice pays - Mali
AICS Dakar

Fatou Warkha Samb

Dialogues d’activisme avec Fatou Warkha Samb, journaliste, cinéaste, créatrice de la plateforme Warkha TV, vice-présidente du collectif Dafa Doy, féministe.

C'est une journée chaude, malgré le vent. J'ai relu une fois de plus le « Manifesto di Rivolta Femminile », de Carla Lonzi, une institution du féminisme italien. Nous nous préparons à rencontrer Fatou Warkha Samb, en première ligne dans la lutte pour les droits des femmes au Sénégal. Fatou Warkha Samb s'est fait connaître par le travail d'information qu'elle a mené via les réseaux sociaux, mais aussi par sa présence constante à la télévision, où elle est souvent la seule femme à être confrontée à plusieurs hommes sur des questions concernant les femmes. Grâce à WarkhaTV, la plateforme qu'elle a lancée, elle a fait du militantisme une priorité, contribuant à lever le voile du silence sur la violence à l'égard des femmes et des enfants.

Aujourd'hui, au Sénégal, on parle de plus en plus de féminisme et de droits, grâce aussi à des féministes comme elle qui n'ont pas peur de défier les préjugés et les systèmes culturels. Nous la retrouvons au Musée des femmes Henriette-Bathily à Dakar, où sont exposées des photographies de femmes qui ont marqué l'histoire du pays : Andrèzia Waz, première Présidente de la Cour de cassation ; Dior Fall Sow, première Procureur de la République ; Mame Bassine Niang, première avocat ; Maty Diagne, première parachutiste militaire ; Sokhna Dieng, première Directrice de la télévision nationale.

Entrons dans le vif du débat. « La pratique du féminisme est essentielle », explique-t-elle, « et pour moi, cela a signifié faire de mon métier, en tant que journaliste et réalisatrice, un moyen de lutte contre les inégalités et de promotion des droits des femmes. Comment ? En créant du contenu ».  Un militantisme quotidien né dans un environnement où les inégalités étaient et sont, malheureusement, présentes. « Avec mon exemple, je veux montrer que les limites imposées peuvent être dépassées et que ce message peut être diffusé. Être une femme ne devrait pas être un obstacle, bien au contraire », souligne Mme Samb.

Je lui demande si elle pense que nous pouvons parler d'un mouvement féministe sénégalais. « Oui « , répond-elle, « même s’il n'est pas structuré, il est constituée d'individualités, de jeunes femmes engagées . Il y a encore beaucoup d'ignorance sur le sujet, et pourtant, qu'est-ce que c’est d’être féministe ? Il s'agit de promouvoir les droits des femmes et de prendre conscience, en tant que femmes, de ce que nous pouvons faire, de nos capacités ».

Dafa Doy. Jamais plus ça ! Les réseaux sociaux ont été fondamentaux dans l'activisme féministe sénégalais, non seulement en raison de la diffusion de contenus spécifiques, des grands nombres atteints ou des longues distances parcourues, mais aussi en raison de la possibilité de s'exprimer de manière anonyme, ce qui n'est pas une mince affaire dans une société où la sutura (discrétion) prévaut. Fatou W. Samb fait partie des fondatrices et est vice-président du collectif Dafa Doy, constitué après le viol et le meurtre, en 2019, de Binta Camara, 23 ans, et d'autres affaires de viol. « Dafa Doy est né spontanément car, à cette époque, de nombreuses personnes partageaient le besoin de dire : Nous en avons assez ! Plus de violence ! Plus de viols impunis ! », précise le journaliste.

Le 25 mai 2019, le collectif a organisé un sit-in contre les violences faites aux femmes et aux enfants, auquel de nombreuses personnes se sont jointes. Toujours à la suite de cette mobilisation, le 10 janvier 2020, la loi n° 2020 -05 a été promulguée, durcissant les peines pour le viol et la pédophilie. Selon les statistiques de 2019, le Sénégal a enregistré 668 cas de violence contre les enfants, 206 agressions sexuelles, 15 féminicides et plus de 1200 cas de viols .

L'accès à la justice est un besoin réel et urgent pour des milliers de femmes. Dans le cadre des projets PASNEEG I et PASNEEG II, l'AICS soutient les « Boutiques de droits », structures gérées par l'Association des Juristes Sénégalaises (AJS), qui sont devenues des points de référence essentiels dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans ces centres de promotion et de protection des droits des femmes, situés à Dakar, Kaolack, Kolda, Thiès, Sédhiou et Ziguinchor, des consultations juridiques gratuites et une orientation vers des services spécialisés sont proposées. Soutien juridique, mais aussi soutien à la réintégration psychologique, sociale et économique. Le projet prévoit également de renforcer le débat avec les professionnels des médias, par le biais de formations et de panels dédiés, comme celui organisé en décembre 2020 dans une école de journalisme réputée de Dakar, axé sur le contenu médiatique lié aux VBG et à la discrimination à l'égard des femmes et des filles. Un engagement concret pour rendre le droit accessible, sensibiliser, contribuer au changement de comportements.

Les féministes sous attaque. « Il y a clairement une peur du changement qui est en train de se faire. La peur d'une prise de conscience collective de la part des femmes et du poids politique, social et culturel que cette prise de conscience implique », dit Mme Samb, et poursuit : « De plus en plus, de femmes trouvent le courage de s'affirmer, de dire ce qu'elles pensent, de revendiquer leurs droits et, surtout, de dénoncer. La plupart des attaques proviennent d'hommes, qui ont probablement peur de rompre avec un système qui les a privilégiés jusqu'à présent ».

Pouvoir choisir. Pour Fatou W. Samb, le féminisme devrait quitter un niveau théorique et devenir pratique, identifier ses propres objectifs et les atteindre. Il ne suffit pas de se déclarer féministe, il faut l'être dans la vie de tous les jours, à travers ses actions et ses expériences. « Chaque jour je me demande ce que je peux faire en tant que féministe » conclut Mme Samb « aujourd'hui il y a des victimes de viol ou d'inceste qui voudraient pouvoir avorter et qui ne le peuvent pas. C'est notre mission, pouvoir garantir à ces victimes la possibilité de choisir mais pas seulement cela, aussi expliquer, de manière simple, ce que l'on entend par inégalités ou quels sont les droits de chacun. Divulguer, c'est combattre. Enfin, nous devons faire de l'égalité tant citée, une réalité. Depuis que je suis enfant, on nous a fait croire que cela allait de soi. Malheureusement, ce n'est pas le cas et seule la pratique du féminisme permettra de le rendre effectif ici et ailleurs ».

Warkha TV produit actuellement une série d'émissions en wolof, la langue locale la plus parlée, pour expliquer les impacts positifs de l'égalité des sexes sur le développement, dans le cadre du projet PASNEEG II.

Par Chiara Barison

L’AICS finance 52 entreprises de la diaspora grâce au programme PLASEPRI/PASPED

Le 9 mars passé a été une journée importante pour la coopération entre l'Italie et le Sénégal sous le signe des opportunités pour la diaspora sénégalaise qui a décidé, au cours de l'année 2021 à travers l'appel européen « Investo in Sénégal », d'investir dans son pays d'origine. En présence de l'Ambassadeur d'Italie, M. Giovanni Umberto de Vito, du Chef de la Coopération de la Délégation de l'Union Européenne à Dakar, Mme Dorota Panczyk, du Délégué Général à l'Entrepreneuriat Rapide, M. Papa Amadou Sarr, du directeur de l'AICS Dakar, M. Marco Falcone et la directrice adjointe de l'AMREF Mme Roberta Rughetti, les entrepreneurs et entrepreneuses de la diaspora qui ont été accompagnés et financés dans le cadre du programme PLASEPRI/PASPED ont participé à la cérémonie de signature des contrats de subvention.

Au total, 52 projets (subventionnés par AICS/PASPED jusqu'à 30 000 EUR) d'une valeur totale de 1 122 000 EUR ont été financés dans six régions. Une nouvelle génération de la diaspora qui fait face à ce type d'opportunité : des femmes et des hommes ingénieurs, agronomes, économistes d'entreprise, artisans du bois et de l’art made in Italy, sont quelques-uns des profils et des compétences concernés par l'opportunité « Investo in Sénégal » et qui sont arrivés hier au terme du processus de sélection en signant des contrats de subvention avec l'AICS Dakar dans le cadre du programme PLASEPRI/PASPED.

Certains chiffres en disent plus long que bien des mots sur cette opportunité : 23% des entreprises bénéficiaires sont composées de membres âgés de moins de 35 ans ; 46% sont des femmes et 67% des entrepreneurs ont une formation universitaire ou au moins un certificat de formation professionnelle.

Une nouvelle génération de la diaspora, donc, qui a relevé un véritable défi entre les deux pays et qui constitue, en même temps, un pont entre deux mondes qui ont su, dans cette belle expérience, valoriser positivement la collaboration entre les institutions, la société civile et le secteur privé aussi bien en Italie qu'au Sénégal.

Par Francesco Mele
Expert en co-développement et en employabilité des jeunes du PASPED

L’engagement de l’AICS pour la promotion de l’égalité de genre à travers la lutte contre les mutilations génitales féminines en Afrique de l’Ouest

Aujourd'hui, 6 février, on célèbre la journée internationale de la tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines (MGF), un phénomène répandu principalement en Afrique, mais présent sur tous les continents.  Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les mutilations génitales féminines sont toutes les procédures impliquant l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme, ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pour des raisons autres que médicales. De telles pratiques ont de graves conséquences sur la santé des femmes à court et à long terme : outre la douleur et le traumatisme psychologique - qui peut entraîner des pathologies telles les troubles du stress post-traumatique (TSPT) -, il existe un risque d'infection et de septicémie qui peut entraîner un risque de perte du plaisir sexuel et/ou de douleurs lors des rapports, des problèmes urinaires, des complications lors de l'accouchement et de l'infertilité, et dans certains cas, la mort.

En Afrique de l'Ouest, diverses conventions ont été adoptées pour interdire ces pratiques, pourtant au moins 50% des femmes les subissent[1].  Le Sénégal et la Gambie disposent également d'une législation nationale interdisant les MGF. Néanmoins, 24% au Sénégal (EDS 2017) et 73% des femmes et filles en Gambie (DHS 2019-2020) ont été excisées. Dans d'autres cas, comme au Mali, où il n'existe pas de législation nationale, en 2017, le pourcentage a dépassé 90 % des femmes âgées de 15 à 49 ans[2].

L'AICS Dakar, à travers ses projets au niveau régional, promeut l'égalité des sexes, l'autonomisation des femmes et l'éradication de la violence contre les femmes et les filles.

Au Mali, en finançant l'UNFPA, l'AICS veut mettre fin aux violences faites aux femmes : grâce à cette intervention, 100 communautés devraient abandonner les pratiques de MGF en 2022.

En Gambie, avec le projet PAPEV, l'AICS promeut la protection des droits de l'enfant par le biais d'un programme régional visant à renforcer les mécanismes de coordination entre les pays d'Afrique de l'Ouest, afin de protéger les enfants et les filles, avec également des activités de sensibilisation concernant les MGF.

Au Sénégal, l'AICS soutien à la fois le gouvernement dans la mise en œuvre de la stratégie nationale d'égalité de genre- PASNEEG II - et l'ONG Cospe à Kolda avec le projet Être Femme. Les deux interventions font appel à la sensibilisation communautaire, par le biais de campagnes radiophoniques, de pièces de théâtre et d'événements communautaires. Ces actions impliquent les chefs religieux et coutumiers, les réseaux de jeunes, les journalistes et la société civile dans les régions de Sédhiou et de Kolda - qui enregistrent les taux les plus élevés de MGF (respectivement 75,6 et 63,6%). En outre, la collaboration avec le Ministère de la Femme, de la Famille du Genre et de la Protection des Enfants (MFFGPE) permet aux experts de l'AICS de participer à la validation politique de la stratégie nationale pour l’abandon de l'excision (2022-2030) et de son plan d'action (2022-2027).

À l'occasion des 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre (du 25 novembre au 10 décembre) l'AICS a organisé, en partenariat avec l’Union Européenne, le Canada, UNICEF et Onu Femme, une campagne contre les stéréotypes de genre, en commandant des portraits de divers activistes, dont Hyacinthe Coly, secrétaire exécutif du Réseau de jeunes pour la promotion de l'abandon des mutilations génitales féminines et des mariages des enfants, un réseau très actif au Sénégal.

En conclusion, l'AICS s'engage à adopter une approche holistique pour atteindre l'égalité de genre et mettre fin à la violence contre les femmes. Cet objectif ne peut être atteint sans un engagement sérieux à mettre fin aux mutilations génitales féminines. La stratégie adoptée est donc, d'une part, la sensibilisation au niveau communautaire et la collaboration avec les réseaux d'activistes et les organisations de la société civile et, d'autre part, le plaidoyer au niveau national.

Livia Cesa

[1] OECD, 2018, Selon une nouvelle étude de l'OCDE, la lutte contre les institutions sociales discriminatoires profitera aux économies ouest-africaines, https://www.oecd.org/fr/csao/infos/lutte-contre-institutions-sociales-discriminatoires-profitera-aux-economies-ouest-africaines-etude-ocde.htm

[2] Andro, A. & Lesclingand, M. (2017). Les mutilations génitales féminines dans le monde. Population & Sociétés, 543, 1-4. https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2017-4-page-1.htm?ref=doi

Khaira Thiam

Dialogues d'activisme avec Khaira Thiam, psychologue clinicienne sénégalaise spécialisée en pathologie psychiatrique et criminologie clinique et militante féministe. Après avoir poursuit ses études et une partie de sa carrière professionnelle en France elle est retournée au Sénégal depuis 5 ans où elle a ouvert son cabinet et où elle se bat au quotidien pour les droits des femmes.

 

En tant que psychothérapeute, Mme Thiam travaille beaucoup sur les conséquences des violences psychologiques, une typologie de violence qui est difficile à détecter, surtout au début, mais qu’on reconnait à partir des dégâts qu’elle produit, qu'ils soient psychiques, physiques ou émotionnels.

Entre août et décembre 2020, dans les quatre Boutiques des droits situées à Dakar, Thiès, Kaolack, Kolda et soutenues par les projets PASNEEG I et PASNEEG II, l’AJS – l’Association des Juristes Sénégalaises – a enregistré 3253 consultations juridiques dont 156 pour des cas de violences psychologiques. Les boutiques de droits ont été créés en partenariat avec l’AJS et avec l’appui de l’Agence italienne pour la Coopération au Développement (AICS) pour la promotion et la protection des droits des populations démunies pour leur fournir (gratuitement) un service d’accompagnement juridique et judiciaire et une prise en charge psychosociale.

Même si ce n’est pas possible d’avoir une définition spécifique, définitive et absolue de violence psychologique, car elle est sujet-dépendante, Mme Thiam nous spécifie que les violences psychologiques se retrouvent systématiquement dans des situations d’abus, que ça soit des abus parentaux, dans le couple, au travail, entre amis, dans la rue, etc.…

Selon Mme Thiam, un exemple pratique de violence psychologique, c’est la charge mentale que les femmes subissent au quotidien lorsqu’elles décident comment s’habiller dans l’espace public. La manière de s’habiller peut leurs faire subir des harcèlements ou des agressions.  Pour cela, chaque femme peut avoir une réaction et une approche très différente qui va influencer son comportement : il y a celles qui préfèrent se voiler pour se sentir plus protégées (sans qu’il ait une réelle motivation religieuse) ; celles qui utilisent les vêtements en signe de protestation et celles qui préfèrent ne pas sortir et éviter ainsi les espaces publiques.

En ce sens, la société ne comprend pas totalement les répercussions affrontées par les femmes victimes de violences et du patriarcat. « On est dans une société qui permet aux hommes, par leur regard, d’assigner les femmes: elle, c’est une femme qui n’est pas bien, elle c’est une fille bien. Ce sont les hommes à le dire, ce ne sont pas les femmes qui s’auto déterminent » explique Mme Thiam en précisant que « cette violence psychologique suit le même mécanisme que la colonisation : les hommes colonisent l’espace publique, occupent l’espace psychique des femmes et, par conséquence, aussi leur santé mentale ».

En plus, dans son rôle de psychologue clinicienne, Mme Thiam constate que, rarement, il est reconnu que les violences psychologiques aient une incidence physique, à la fois pour les hommes que pour les femmes. Au Sénégal il y a énormément des personnes qui souffrent de goitre, de maladies chroniques qui sont mises à feu par des problématiques psychiques, des personnes qui vivent avec de troubles somatoformes (maux de dos, migraines, constipations…) qui ont une origine psychique qui va déclencher un certain nombre de réactions corporelles.

Pour cela, Mme Thiam n’aime pas le terme « violences basées sur le genre » car ce terme réduit trop la portée de la question.

Per exemple, en parlant de violences conjugales, il faut prendre en considération aussi les effets que ce climat aurait sur les enfants qu’à un certain moment pourraient reproduire le comportement de l’abusant(e) ou de l’abusé(e) ou développer toutes une série de problématiques. La violence familiale se manifeste sur plusieurs niveaux. Un autre exemple c’est l’inceste. Aujourd’hui, au Sénégal, comme dans d’autres pays européens, il n’y a pas une loi spécifique qui règle les cas d’ inceste. Le code pénal règle le viol et la pédophilie (article 320) mais pas l’ inceste, un viol qui ne peut se reproduire que dans un cadre intrafamilial. L’incestuel, en psychologie clinique et d’orientation psychanalytique, c’est une atmosphère où la place de chacun n’est pas bien définie, les intimités ne sont pas respectées, le corps de l’autre est à disposition, en permanence. Au Sénégal, l’inceste, n’est pas pris en compte dans le code pénal ni dans les politiques liés à l’enfance et cela a des répercussions sur le bienêtre psychologique des adultes de demain.

Effectivement, les violences psychologiques touchent soit les hommes que les femmes. Des 156 cas de violences psychologiques traitées par les boutiques de droits, 23 concernent des hommes. Avec le développement des structures économiques, le contexte social a beaucoup changé, en allant vers l’individualisme au détriment du concept de « famille élargie ». Si d’un côté les sénégalais vivent seuls et ont perdus les conforts des grandes maisons familiales (une place ou loger, être nourris et partager les responsabilités et les dépenses économiques), de l’autre la solitude a renforcé les fortes pressions venant de la famille élargie. Ces tensions et attentes peuvent causeur beaucoup de frustration et déclencher des comportements agressifs et des problèmes d’additions) : le Sénégal est le 4ème pays en Afrique de l’Ouest pour consommation d’alcool et les drogues sont très répandues parmi les jeunes (marijuana, cocaïne, lsd, drogue du viol). Il y a aussi d’autres comportements addictifs tabou, surtout si faisant référence aux hommes, comme l’hypersexualité qui a des conséquences telles que la détresse, les grossesses précoces et les infanticides.

Pour cela il est de plus en plus urgent de promouvoir l'adoption par les communautés de comportements et de pratiques favorables à la non-discrimination, à la lutte contre les inégalités et à la sauvegarde de l’intégrité physique et psychologique des populations, y compris les femmes et les filles.

C’est dans ce cadre que le Gouvernement italien continue sa collaboration avec le Sénégal dans la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l'équité et le genre 2016 - 2026 (SNEEG). Avec le PASNEEG I (2015-2019), des résultats importants ont été enregistrés dans le renforcement et la mise en place de cinq Boutiques de droits en partenariat avec l’AJS dans les régions de Dakar, Thiès, Kaolack, Kolda et Sédhiou et dans la budgétisation sensible au genre. Avec le PASNEEG II l’Italie et le Sénégal veulent capitaliser et modéliser les bonnes pratiques enregistrées à travers, entre outre, l’harmonisation des dispositions de certains textes législatifs et réglementaires nationaux avec les engagements internationaux auxquels le Sénégal a souscrit et en soutenant les changements de normes et schémas sociaux et culturels qui légitiment les discriminations, les violences et les pratiques traditionnelles néfastes envers les femmes et les jeunes filles.

Pour cela, Mme Thiam souligne l’importance de mettre au centre du discours politique la question des droits des femmes en tenant compte du point de vue des femmes à travers l’action de représentantes dans les instances politiques. Même si le Sénégal a obtenu des progrès significatifs sur le plan de la participation politique grâce à l’adoption de la loi sur la parité (2010), qui a contribué au renforcement du leadership féminin au niveau de l’Assemblée nationale et dans les collectivités locales, la parité est encore loin d’être acquise. Par exemple, sur les 557 municipalités que compte le pays, seules 13 sont administrées par des femmes et leur action est ainsi souvent centrée sur la mobilisation des partisans ou l’animation des rassemblements, loin d’où se décident les stratégies politiques. Cette approche « women voice » est l’un des piliers des lignes directrices (2020 -2024) de la Coopération italienne pour l’autonomisation des femmes qui visent à que les femmes et les filles soient des sujets qui régissent les processus de développement en tant qu’agents du changement dans tous les domaines du développement durable.

Par  Eugenia Pisani

PASPED : 1400 contrats de stage signés en 2021 pour favoriser la création d’emplois et l’emploi stable

Le Projet PASPED, financé par l’Union européenne et mis en œuvre par AICS Dakar, vise à soutenir le secteur privé et la création d'emplois au Sénégal dans les régions de Dakar, Diourbel, Thiès, Kaolack, Louga et Saint-Louis. Depuis son démarrage en 2019, l’équipe du projet a établi des partenariats en recherchant des collaborations avec les services décentralisés de l’Etat. Au sein de la composante 3 qui vise l’insertion professionnelle des jeunes formés, une convention de 15 mois a été signée avec les Agences Régionales de Développement (ARD) dans les six régions ciblées. Cette collaboration a permis la mise en place d’un dispositif incitatif de création d’emplois sous la forme de la subvention de presque de 1.400 contrats de stage d’entre six et douze mois, chez 516 MPME. Les ARD ont joué un rôle essentiel dans l’analyse de besoins des entreprises en termes de ressources humaines et dans la pré-sélection des candidats, qui ont été recrutés dans différents secteurs de l’économie selon leur formation et les profils requis. Ce travail de mise en relation entre offre et demande d’emploi a largement bénéficié de la dimension territoriale des ARD, ancrées dans les six régions. Cette initiative, qui a vu la finalisation de la première période de bourses de stage le 30 novembre 2021, est complémentaire aux actions de l’Etat sénégalais dérivées de la décentralisation territoriale des politiques d’emploi et du Programme d’Urgence pour l’Emploi et l’Insertion socioéconomique des jeunes. En mars 2022, une nouvelle phase démarrera pour permettre l’insertion professionnelle d’autour 800 jeunes hommes et filles formés. Pendant les derniers mois, une plus forte synergie avec le Ministère du Travail et le Ministère de l’Emploi a permis de définir un cadre de collaboration qui se concrétisera par la réalisation d’activités de sensibilisation en matière de formalisation d’entreprises et culture du travail décent, formel et bien rémunéré et par l’appui de la part de AICS à la nouvelle stratégie de décentralisation des politiques pour l’emploi de l’Etat sénégalais. Cela s’encadre dans les efforts de AICS Dakar et du Gouvernement sénégalais dans la mise en place des politiques coordonnées et efficaces pour favoriser la création d’emploi et assurer des emplois stables dans une approche inclusive et dans le respect du Code de Travail.

Un article signé par : PASPED

KOOM KOOM TV - 13-11-2021 – Presentation du programme de bourses de stages du projet PLASEPRI/PASPED

Ndiaxass culinaires : un voyage d’images, de saveurs et de personnes pour découvrir le Sénégal à travers les plats de six chefs

Sénégal : six produits locaux, six chefs résidant dans le pays, six recettes mêlant tradition et nouvelles influences. Ce sont les ingrédients de "Ndiaxass culinaires", un projet de communication internationale réalisé dans le cadre du programme de coopération déléguée, Pacersen Bis.

Ndiaxass, en wolof, signifie "mélange, patchwork", des morceaux de nature différente qui donnent vie à des résultats uniques et nouveaux. Le projet veut donner la parole au Sénégal d'aujourd'hui, fait d'histoires et de personnes d'horizons et d'expériences différents mais unies par le désir de redécouvrir les traditions, de créer et d'innover. Un pays en mouvement, certes au centre d'innombrables défis, mais qui veut se montrer dans toute son énergie débordante.

Fonio, aubergine amère, tamarin, bissap, farine d'arachide sont quelques-uns des protagonistes de ce voyage en six épisodes pour parler de durabilité, d'agriculture, d'expériences migratoires et professionnelles, de développement et de projets.

Bounama Coulibaly est chef cuisinier dans un établissement réputé du Sine Saloum, une région très appréciée par les Sénégalais et les touristes. Une vie consacrée à la passion de la cuisine, une certaine expérience professionnelle dans d'autres pays africains et l'envie de présenter des plats traditionnels aux clients.

Omar Ngom, quant à lui, a vécu entre le Sénégal et l'Italie, où il a appris son métier de cuisinier. Il a l'amour du détail, de la précision et un goût esthétique, ainsi que culinaire. Il y a quelques années, Omar est revenu à Dakar où il a voulu mettre à profit son expérience, en proposant des plats traditionnels italiens revisités avec des produits locaux.

Alessandro Merlo est un chef italien, formé dans les grandes capitales du monde, qui vit au Sénégal depuis des années. Pour lui, le mot d'ordre est l'excellence. Une excellence qui passe par la qualité des produits et du service. Dans l'épisode qui lui est consacré, il a voulu présenter un plat qui est la rencontre de deux ingrédients typiques de la cuisine sénégalaise et italienne, le jaxatu (aubergine amère) et la mozzarella de buffle.

Hitomi Saito est une chef japonaise formée à Paris et vivant maintenant à Dakar. Son histoire est celle d'une passion et d'une amélioration constante. Sa cuisine, saine et simple, est basée sur des produits locaux auxquels elle ajoute la connaissance de certains ingrédients de son pays d'origine, le Japon.

Tamsir Ndir est considéré comme une institution à Dakar. Chef cuisinier et animateur culturel, il raconte avec émotion son parcours pour devenir chef cuisinier, malgré les réticences familiales. Il raconte ses expériences mais aussi ses échecs, ses voyages et son désir de retourner dans sa patrie. Son parcours lui a permis de devenir l'un des chefs les plus appréciés de la scène sénégalaise, surtout en raison de son engagement à promouvoir la cuisine traditionnelle, à l'image de celle de sa mère.

Raoul Coly, chef et animateur télé très apprecié, nous accompagne dans ce voyage culinaire et humain. Le chef Coly anime une émission intitulée "Rendez-vous" sur Canal Plus Afrique, consacrée à la découverte des différents pays africains à travers leurs traditions culinaires.

Ndiaxass culinaires, au-delà de la présentation de personnes faisant des choses, de plats traditionnels et de produits locaux, veut éradiquer les stéréotypes les plus courants liés au continent et qui conditionnent souvent un imaginaire peu réaliste. Le projet vise à contribuer, par de nouvelles images et de nouveaux contenus, à la construction de ce concept d'afro-responsabilité magistralement expliqué par Hamidou Anne dans Foo Jem.

Ndiaxass culinaires a été lancé lors de la dernière édition de Terra Madre, Salone del Gusto.

Par Chiara Barison

Démarrage de la 2ème phase des stages PASPED pour l’insertion professionnelle de 900 jeunes

1.530 jeunes formés ont été impliqués dans la première phase d'opportunités de stage, qui s'est terminée le 30 novembre 2021 et a vu la participation de 516 entreprises des 6 régions d'intervention du projet PASPED, mis en œuvre par l'Agence italienne pour la Coopération au Développement (AICS) à Dakar et financé par l'Union européenne dans le cadre du Fonds Fiduciaire d'Urgence en Afrique. Suite aux bons résultats de la première phase, les appels à propositions régionaux sont maintenant ouverts, ce qui permettra aux Agences de Développement Régional (ADR) de présélectionner environ 900 jeunes formés dans un large éventail de secteurs qui auront l'opportunité d'être inclus dans le tissu entrepreneurial de leur région pendant neuf mois.

La première phase du placement professionnel du PASPED a montré que sur les 1.530 jeunes placés, environ 340 ont été retenus par des entreprises et un bon nombre d'entre eux ont profité de l'opportunité du stage pour lancer leur propre projet d'entreprise. Dans cette perspective, le travail que l'AICS Dakar réalise avec les ARD a été partagé avec le Ministère de l'Emploi (MEFPAI) comme un exemple de dispositif décentralisé de mise en relation de l'offre et de la demande de travail qui pourrait être complémentaire à la nouvelle stratégie du Gouvernement sénégalais pour la promotion de l'emploi des jeunes et des femmes validée en juin 2021.

Dans ce sens, la collaboration bilatérale avec le Ministère de l'Emploi par l'AICS Dakar sera renforcée dans les années à venir précisément à partir de cette expérience très positive dans le cadre du PASPED, qui globalement permettra de placer environ 2.400 jeunes formés pendant deux ans d'activité et d'impliquer environ 750 entreprises formelles des 6 régions comme bénéficiaires de ressources humaines qualifiées. Dans un avenir proche, le travail de l'AICS Dakar se concentrera également sur la promotion de l'idée que le travail doit être formel, décent et bien rémunéré, afin de soutenir concrètement, par une bonne opportunité d'emploi, les projets de vie des jeunes et des femmes au Sénégal.

Par Francesco Mele

Vi(e)sible – À Dakar, une exposition de l’AICS sur le thème de l’inclusion sociale en collaboration avec le photographe sénégalais Alun Be

Célestine est une jeune fille, à peine adolescente, qui a une passion pour le chant. Elle regarde sa photo avec fierté. À ses côtés, sa mère, les cheveux rassemblés dans un foulard et le regard fier. "Si je suis ce que je suis aujourd'hui, je le dois à ma mère", dit-elle et elle poursuit : "C'est elle qui m'a toujours motivée et incitée à ne pas avoir peur du regard des autres".

Célestine est l'une des dix protagonistes de "Vi(E)sible", une exposition photographique promue par le bureau de l'AICS à Dakar. Les clichés ont été pris par Alun Be, photographe de la scène culturelle sénégalaise, célèbre pour ses portraits percutantes.

Le projet vise à promouvoir l'inclusion sociale des personnes vulnérables, en particulier les personnes en situation d’handicap.

"Il n'y a pas de personnes handicapées. Il y a des gens qui ont un handicap", a souligné le préfet de Dakar, Jiibi Diallo, dans son discours lors du lancement officiel de l'exposition, qui s'est tenu le lundi 14 juin 2021 au Centre culturel italien de Dakar.

Apprendre à avoir un nouveau regard, tel est l'objectif de l'exposition, qui n'a pas été installée par hasard en plein air, sur la corniche de la capitale sénégalaise. Ici, un va-et-vient constant de personnes et un point de passage vers le centre de la ville. Un lieu de rencontre qui devient aujourd'hui le symbole d'une réflexion sur la normalité de la diversité.

Assis sur un banc, Lamanara, un garçon albinos. Il assiste de loin à la cérémonie de coupure du ruban qui donne le coup d'envoi de l'exposition par les autorités présentes, dont l'Ambassadeur d'Italie au Sénégal, Giovanni Umberto De vito, Aissatou Cissé, Conseillère spéciale du Président de la République du Sénégal et Alessandra Piermattei, Directrice du bureau de l'AICS à Dakar.

Assis à côté de lui, son frère aîné, Ibrahima. Nous allons ensemble voir la photo qui le dépeint, puissant. Il la regarde pour la première fois, impressionné par la force qui s'en dégage. "Il est important que toutes les personnes comme Lamanara deviennent visibles, au-delà des stéréotypes", souligne Ibrahima. Participants, réalisés, visibles, comme le titre de l'exposition.

"La société doit évoluer pour faire en sorte que le handicap physique ou mental n'empêche pas la possibilité d'une vie épanouie dans tous ses aspects" a déclaré Aissatou Cissé dans son intervention. "Chaque personne, qu'elle ait un handicap ou non, doit pouvoir apporter sa contribution à la société, en fonction de ses possibilités. Le problème n'est donc pas dans le handicap mais dans une société ou une pensée commune incapable d'inclure toutes les personnes, en valorisant les capacités de chacun" a-t-elle ensuite conclu.

Lors de la conférence de presse, M. Manga, l'un des enseignants de référence de la langue des signes à Dakar, a également souligné combien il est important que la société crée les conditions permettant à chacun de s'exprimer.

La photographie, un moyen de communication puissant et efficace, a donné un visage et une voix aux personnes les plus vulnérables, leur permettant de devenir des acteurs potentiels du changement dans la révision des politiques publiques et dans le processus de garantie d'un accès égal aux services de base, à la santé, à l'éducation et au travail.

Les photos de Vi(e)sible veulent aller au-delà de la compassion ou de la pitié qui pèsent souvent sur les personnes en situation de handicap. Ces photos envoient un message de respect de la diversité, sous toutes ses formes, en promouvant une culture d'inclusion où chaque personne peut réellement s'exprimer et développer ses capacités.

« J'ai senti tellement de regards sur moi. Trop » dit Célestine « et ces regards me font mal. Mais aujourd'hui, je sais que je peux faire de grandes choses. Ma mère m'a appris à chanter et à ne pas arrêter de rêver. Ce que je veux faire maintenant, c'est donner une voix à toutes ces filles et à tous ces garçons qui sont encore contraints de rester à la maison par leurs familles qui les isolent par peur de la stigmatisation des autres. Ces jeunes ont besoin de sortir, d'être vus, d'être entendus, de vivre. Ma photo est là pour dire à tous que rien n'est impossible et que je suis là pour me faire entendre, pour vivre pleinement ma vie, pour montrer que j’existe, dans toute ma beauté, dans toute ma belle singularité ».

Vi(e)sible sera ouverte au public jusqu'au 4 août 2021.

Par Chiara Barison